Expertise technique et production communiste
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Expertise technique et production communiste

May 09, 2024

En 1976, les délégués syndicaux de la société britannique Lucas Aerospace Corporation ont publié un document qui sera connu sous le nom de « Plan Lucas ». L'entreprise envisageait de licencier un nombre important de travailleurs dans le cadre d'un effort de restructuration. Confrontés à la perspective de perdre leurs moyens de subsistance, beaucoup de ces travailleurs se sont regroupés pour proposer une alternative : que le gouvernement britannique intervienne pour empêcher les licenciements afin que les travailleurs puissent redéployer les actifs productifs de l'entreprise vers des fins socialement utiles plutôt que vers des contrats militaires. Ils ont identifié environ 150 produits qu’ils pourraient fabriquer à la place des avions militaires. Il s’agit notamment des équipements médicaux, des systèmes de transport et du développement de sources d’énergie alternatives.1 Les travailleurs, conscients du potentiel de leur expertise industrielle et de la nature néfaste du militarisme, ont proposé une utilisation alternative de leur savoir-faire technique pour le bien commun. Bien sûr, ils ne sont pas allés jusqu’à proposer la fin de la production marchande, mais il y a une pépite de logique communiste inhérente à leur proposition. L’idée selon laquelle les capacités techniques de l’humanité peuvent (et doivent) être déployées vers la création de biens utiles avant tout au bien-être humain est au cœur même d’une logique productive communiste.

L’histoire de toutes les activités productives existantes jusqu’à présent est, entre autres choses, l’histoire de la fusion entre la connaissance et la pratique humaines. La continuité de toute société repose sur la continuité de l’activité productive qui rend une telle société possible. Une quantité colossale de connaissances et d'expériences utiles est distribuée à l'ensemble de la population active mondiale, ce qui permet à la production capitaliste de continuer à avancer. Ce vaste corpus de connaissances contient le savoir-faire pratique non seulement nécessaire à notre société capitaliste actuelle, mais également à l’établissement d’une nouvelle société où la production et la distribution des biens sont planifiées de manière rationnelle pour maximiser le bien-être humain. Ce nouveau processus productif ne peut donner la priorité au bien-être général de l’espèce humaine que grâce à la participation active et à la coopération d’individus détenant tous les types d’expertise, de connaissances et de relations pertinentes avec le processus productif lui-même. Une telle société s’appelle le communisme. Cet essai se concentrera spécifiquement sur le rôle de l’expertise productive industrielle dans la construction d’une société communiste. La production moderne de marchandises, élément vital du capital mondial, nécessite pour fonctionner une quantité impressionnante de connaissances scientifiques et techniques. Cela va des modèles théoriques les plus abstraits de notre monde physique jusqu'aux compétences directes développées grâce à un travail pratique et intime. C’est cette expertise qui non seulement sous-tend la production marchande capitaliste, mais qui servirait de base à la construction d’un système productif communiste.

Cette intelligence distribuée représente un potentiel latent de l’espèce humaine pour exploiter nos compétences en faveur de notre propre enrichissement mutuel plutôt que de notre état actuel d’hypnose pour la machine extraterrestre du capital. Si les communistes, qui ne sont actuellement que quelques neurones dans le cerveau prolétarien mondial, souhaitent rompre le charme et libérer l’espèce de cette totalité extraterrestre, nous devons avoir une carte de ce dont est fait ce cerveau et de ce qu’il peut faire. Nous devons comprendre comment les connaissances et les compétences productives de la main-d’œuvre productive sont distribuées, et comment celles-ci peuvent être exploitées non seulement pour le démantèlement du capitalisme mais aussi pour la construction du communisme.

Pour qu’une révolution communiste réussisse, elle devra immédiatement remettre en question la logique même de l’accumulation du capital. Arrêter la production capitaliste à lui seul ne suffit pas, car une révolution incapable de proposer un mode alternatif de production et de distribution des biens mourra rapidement car les gens ne pourront pas satisfaire leurs besoins fondamentaux, et encore moins vivre une vie meilleure que celle qu’ils ont connue sous le capitalisme. L’épine dorsale du pouvoir des travailleurs réside dans les connaissances et l’expertise nécessaires pour maintenir en mouvement les engrenages productifs de la société. S'emparer des moyens de production nécessite que cette saisie soit effectuée par ceux qui comprennent et utilisent ces moyens. Il est essentiel de ne pas simplement arrêter la production capitaliste, mais d’utiliser les connaissances productives pour construire une société communiste. Le caractère critique de la connaissance productive n’est pas que la production communiste sera la même que la production capitaliste mais avec des signaux d’alarme, mais plutôt que la restructuration créative des moyens de production capitalistes ne peut être réalisée que par ceux qui travaillent actuellement avec de tels moyens. La transition du capitalisme au communisme ne consiste pas simplement à remplacer le contrôle politique de la production, mais à réorienter fondamentalement la production vers des objectifs humains. Cela nécessitera la transformation du processus de production de nombreux produits allant de l'alimentation à l'énergie, en passant par les véhicules, l'électronique, les vêtements, les médicaments, les bâtiments, les infrastructures et bien d'autres encore, vers de nouveaux processus plus sains (socialement, environnementalement, etc.), plus équitables. et participatives qu'elles ne pourraient jamais l'être dans une société régie par la recherche du profit.